MEMOIRE

LA PHOTOGRAPHIE ENGAGEE


SOMMAIRE


INTRODUCTION


PROBLEMATIQUE


1. LES BUTS, LES MOYENS

1.1 Quand une campagne photographique cherche à avoir de l'impact

1.2 Quand la photographie choque pour mieux guider l’esprit

1.3 Quand la photographie pose la question du voyeurisme mais impacte la société


2. LES ROLES, LES IMPACTS

2.1 Quand la photographie questionne le rôle du photographe

2.2 Quand la photographie change la vie de la personne photographiée

2.3 Quand la photographie change la vie du photographe


3. LES INTERPRETATIONS

3.1 Quand l’histoire racontée par la photographie n'est pas ce qu'elle semble être

3.2 Quand le message initial de la photographie est détourné

3.3 Quand la photographie fait corps avec la volonté et le message du protagoniste


4. LA QUESTION DU DROIT A L’IMAGE


CONCLUSION


SOURCES


ANNEXES


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INTRODUCTION


Si l’on part du principe que toute photographie est prise avec un but ou une intention particulière, le but de la photographie engagée est avant toute chose d’être revendicatrice.

Qu’elle soit faite pour dénoncer ou témoigner, la photographie est parfois utilisée comme manière de combattre pour ses idées, pour émouvoir, pour promouvoir quelque chose, souvent dénoncer la haine et promouvoir l’amour de l’autre et la solidarité... Celle-ci devient d'utilité publique et sociale. Le but est de changer la manière de voir quelque chose, de faire réfléchir l'observateur, le grand public, le but ultime étant de changer le monde et ses inégalités.

Ouvrir les yeux des autres par l'image a cette prétention, ce but étant parfois atteint, parfois pas. Car si l’homme est capable du pire, il est aussi capable du meilleur, c’est là son plus grand paradoxe. Il est particulièrement important de voir la photographie engagée et le photojournalisme comme une arme contre ce que l’homme peut être et faire de pire. C’est peut-être là même sa plus grande utilité, sa plus belle en tout cas. Il serait dommage de ne pas l’exploiter si elle peut avoir un impact. Cet impact que l’on oublie car bien vite elle est accusée de voyeurisme, de propagande ou d’inaction... Comme si l’on considérait que dénoncer les injustices et les problèmes dont nos semblables souffrent n’était pas une grande action en soi, que cette action était subsidiaire. Or, elle est indispensable dansun monde où l’on nous dicte comment être, comment penser, sans avoir besoin d’y réfléchir, où l’on nous incite à ne pas penser trop, ou plutôt à nous-même et à nos petites vies uniquement, avec nos œillères bien fixées.

La photographie engagée est une piqure de rappel qui incite à la réflexion personnelle et éloigne les idées prémâchées, prédigérées que l’on voudrait nous faire passer comme indéniables. Elle permet de se rapprocher de ses émotions, de retrouver l’humanité en nous, nous qui sommes, êtres humains avant tout.

Il est important d’annoncer dès à présent que les photographies utilisées dans ce document peuvent être particulièrement choquantes et peuvent heurter la sensibilité des lecteurs, mais c’est un but dont la photographie engagée ne se cache pas, et ce but est bien souvent recherché afin d’obtenir l’impact souhaité, il n’est dans tous les cas pas gratuit.

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PROBLEMATIQUE


La problématique qui va être abordée ici est un questionnement d’ensemble sur la photographie engagée et sur son impact. En passant en revue un par un, des clichés mondialement célèbres, nous allons donc nous poser les questions suivantes :

Qu’est ce qu’une photographie engagée ?
Comment une photographie dénonce-t-elle ?
Quelles ont été les photos avec le plus d'impact sociétal ?
Quel a été l’impact sur les mentalités et sur le monde ?
Cet impact a-t-il été efficace ?
Y-a-t-il un lien avec le contexte lors de la diffusion de la photographie?
Quel a été l’impact sur les acteurs de ces photographies ?
Comment une photographie peut-elle être perçue et utilisée différemment selon le public visé ou le récepteur ?
Dans quels buts et par quels moyens ?
Que se passe-t-il quand le monde ne comprend pas l’intention de l’auteur ?
Pourquoi l’opinion publique est-il parfois dur sur le sujet ?
Quelle est la place du droit à l’image dans ce type de photographie ?
A-t-on le droit de montrer la mort en couvertures de journaux ?
Comment ne pas dépasser les frontières de la sagesse ?
Doit-on rester derrière ces frontières malgré ce qu’il y a à gagner en les dépassant ?

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"FEMME NOIRE ALLAITTANT UN BEBE BLANC" par Oliviero Toscani pour Benetton, 1989.

1. LES BUTS, LES MOYENS

1.1 Quand une campagne photographique cherche à avoir de l'impact


Le photographe Oliviero Toscani né en 1942 à Milan en Italie. En 1982, travaillant avec l’agence Eldorado, il commence son travail en collaboration avec Benetton en même temps que celle-ci. La marque de vêtement Italienne est alors en pleine expansion et veut affirmer sa position sur le plan national. Elle utilise dès 1985 le slogan "United Colors of Benetton" qui la représente particulièrement bien. En effet, Benetton est une marque colorée, que ce soit pour sa ligne de vêtement mais aussi par la couleur de peau des mannequins qu’elle choisit. En prenant au sens figuré le concept de la marque : des vêtements disponibles dans toutes les couleurs, l’image Benetton chante le multiculturalisme, la beauté de la diversité, l’universalité de l’amour, de la procréation et de l’enfance.

Dès 1986, et grâce à l’œil avisé du photographe, les opposés s’unissent sous le logo de la marque dans des campagnes publicitaires chocs : le juif et le palestinien, l’américain et le russe... Au fur et à mesure, les publicités se font de plus en plus engagées, une femme noire allaitant un enfant blanc, deux hommes menottés, deux enfants sur le pot, un loup blanc et un agneau noir. Les thèmes se font de plus en plus symboliques. Après plusieurs années de campagnes traditionnelles, la marque choisit de reléguer ses produits complètement au second plan au profit du message qu’elle souhaite faire passer.

En 1992, une affiche toujours signée Oliviero Toscani montre un curé en train d’embrasser une nonne. Cette photographie sera interdite en Italie. La France ne pouvant les interdire, le Bureau de Vérification de la publicité demande aux afficheurs de ne pas rendre public celle de la femme noire allaitant un bébé blanc ni celle du curé et de la nonne. Le photographe continue de jouer le jeu de la dualité entre les opposés, entre la guerre et la paix, entre le coït et la chasteté... Il délivre avant toute chose un message éthique, de liberté et de fraternité, sans imposer de morale à suivre, en laissant l’observateur libre de se faire un avis sur les questions soulevées.

A partir de là, il s’oriente de plus en plus sur l’actualité et la dénonciation, prenant le parti de mettre des images sur la maladie, la guerre, la misère. Le SIDA sera l’un de ses combats, notamment avec une photographie de David Kirby devant sa famille à son chevet, que les afficheurs français refuseront aussi d’afficher. Il shootera aussi un guérillero africain portant une kalachnikov et un fémur, un bateau grouillant d’Albanais, des réfugiés africains, des enfants forcés de travailler, deux Indiens pris dans une inondation de Calcutta... Les photographies de Toscani font scandale, elles soulèvent le débat à chaque nouvelle parution et pour la marque, faire parler d’elle c’est exactement ce qu’elle souhaite.

En 1993, dans Libération, Benetton affiche en double page, une série représentant des sexes de tous âges, de toutes ethnies, masculins et féminins. La série suivante sera faite de photographies de parties du corps en gros plans, un bras, des fesses, un pubis et un ventre, tatouées du terme "HIV positive". Le marquage est identique à ceux qu'utilisent les services sanitaires dans les abattoirs et fera également écho aux tatouages des camps de concentration. C’est la première fois que les mots sont utilisés dans une campagne Benetton et l’impact sur le public, qui en retient le marquage et l’exclusion, est important. L’Agence Française de Lutte contre le SIDA, quant à elle, porte plainte contre la marque italienne et l’accuse d’utiliser des causes éthiques et humanitaires à des fins publicitaires.

En 1994, suite à ce tournant, le photographe choisit de s’attaquer totalement aux sujets de société, et dans toute l’Europe sont diffusées des affiches montrant un tee- shirt ensanglanté que l’on pense être celui du soldat bosniaque Marinko Gagro, assassiné par un "sniper" à Sarajevo. En 1996, une nouvelle affiche présente trois cœurs humains identiques annotés des couleurs "white, black, yellow", puis en 1997, la marque se positionnera contre la faim dans le monde. Il demeure dangereux pour une marque dont le but est avant tout de vendre, de s’associer à des choses négatives et les distributeurs, les vendeurs, les clients, vont de moins en moins supporter les leçons de morale d’un fabricant qui n’est pas lui-même un modèle d’éthique.

En 2000, sort la campagne intitulée "La mort en face". Le but est de faire réfléchir au sujet de la peine de mort aux Etats Unis. Pour ce faire, sont diffusés plusieurs clichés des condamnés à mort dans le pays, accompagnés de leur nom, prénom, de la nature du crime et du moyen de leur exécution. Les affiches sont toujours estampillées de la célèbre étiquette verte "United Colors Of Benetton". Des poursuite judiciaires sont alors engagées par l’état du Missouri et la marque est boycottée. "Nous n'avons pas conçu nos publicités dans le but de provoquer, mais de faire parler, de développer une conscience citoyenne : la campagne contre la peine de mort n'a choqué que dans les pays qui l'appliquent. C'était la réalité crue des couloirs de la mort, une réalité amenée dans le monde factice de la pub" dira plus tard le fondateur de la marque. Mais Benetton qui rêvait depuis toujours de s’installer aux Etats Unis accuse le coup et choisit de mettre fin au contrat avec Oliviero Toscani.

En 2007, le photographe continuera cependant son combat avec la marque No Lita en présentant cette fois une campagne nommée "No Anorexia". Isabelle Caro, jeune comédienne anorexique de 25 ans, passera devant l’objectif du célèbre photographe avant de mourir de cette même maladie trois ans plus tard.

Plus récemment, en 2011, Benetton relancera le thème d’une de ses campagnes emblématiques en faisant s’embrasser des personnalités influentes et politiques tels que le pape Benoît XVI et Mohamed Ahmed Tayeb, l’imam de la mosquée Al Azhar, mais aussi Barack Obama embrassant Hugo Chavez ou encore Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, tous surmontés du nom d’une association humanitaire : Unhate. Cette campagne ne sera pas du tout du goût de leur ancien photographe. "Je n'arrive pas à percevoir le message, ce n'est que de la vulgarité. Il est normal que les gens se fâchent quand ils se sentent offensés.", déclarera Toscani en parlant des réactions négatives qu’auront Barack Obama et le Vatican. Le porte-parole de la Maison Blanche déclarera que le président américain refuse catégoriquement que son nom et son image soient accolés à une campagne publicitaire. Quant au porte-parole du Vatican, il parlera d’une inacceptable et offensive provocation envers le pape. "C'est un grave manque de respect envers le Pape et les croyances des fidèles, c'est un exemple clair de la façon dont la publicité peut violer les règles élémentaires du respect de la personne, afin d'attirer l'attention par la provocation". Cette photographie sera retirée de la campagne par la marque après qu’une action en justice ait été intentée par le Vatican. 

"HIV POSITIVE" par Oliviero Toscani pour Benetton, 1993.

"ENFANTS TRAVAILLEURS" par Oliviero Toscani pour Benetton, 1992.

"JUIF ET PALESTINIEN" par Oliviero Toscani pour Benetton, 1986.

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"TIMISOARA MASSACRE" par Robert Maass en décembre 1989, Roumanie.

1.2 Quand la photographie choque pour mieux guider l’esprit


L’exemple des charniers de Timisoara, est un exemple particulièrement intéressant à étudier en matière de manipulation de masse. Nicolae Ceausescu est un dictateur communiste roumain qui accèdera au pouvoir en 1965 jusque décembre 1989. Comme tous les grands dictateurs, il cultive le culte de la personnalité et le contrôle des médias. Un programme "d’économie d’énergie" n’autorise que deux heures de programme télévisé par jour sur la plus grande chaîne nationale, la moitié du temps de ce programme étant consacré au culte de sa personne et de sa femme.

Les révolutions qui libèreront le pays prennent leur source dans la ville étudiante de Timisoara. Dès le 16 décembre 1989, une première manifestation fait rage et est suivie par une seconde plus importante le lendemain. S’ensuivront de nombreux combats entre les opposants à la révolte et les civils. Les opposants au régime comprennent bien vite que la télévision a un fort potentiel fédérateur et l’émission qui se déroule en direct le 21 décembre 1989, durant laquelle Ceausescu doit prononcer un discours est idéale. Des centaines de milliers de personnes sont réunies et sont censées lui apporter leur soutien mais depuis le balcon du palais où il se tient, ce sont très vite des cris de protestation qui se font entendre. Les cameramen ne savent pas s’ils doivent serrer le plan et laisser filtrer la nervosité dictateur ou s’ils doivent l’élargir et montrer la foule en rendant réel le mouvement d’opposition. En régie, le réalisateur donne l’ordre de couper les caméras.

Après avoir été tellement longtemps soumise à être instrument de propagande, la télévision sert enfin le peuple à se libérer de ses chaînes. Cela donne notamment des idées aux révolutionnaires. À Timisoara, comme dans la plupart des villes concernées par le mouvement, la police d'État, la "Securitate" - et non l'armée qui elle est dépourvue d'agressivité à l'égard des manifestants - est la principale force de répression. Il semble aujourd'hui admis que, dans cette seule ville de 350 000 habitants, environ une centaine de personnes sont mortes et 250 ont été blessées.

Très vite, les personnes à qui l’on a confié la gestion provisoire de la télévision publique réalisent l’intérêt que peuvent avoir en occident les récents évènements et l’impact sur la population locale. Durant ces quelques jours précédents les fêtes de Noël, qui constituent comme une trêve dans l’actualité mondiale, il est urgent d’affirmer la révolution roumaine et de la rendre légitime aux yeux du monde entier, afin qu’elle ne soit pas remise en cause et que cette chance de mettre un terme à la dictature ne soit pas manquée. Il faut pour cela rendre la communauté mondiale spectatrice et garante du déroulement des évènements de cette libération. L’accommodation des populations à la situation depuis longtemps établie dans les régimes communistes est toujours fragile face à la toute puissance de la Securitate et le risque de démobilisation et d’intimidation est toujours fort. Pour les dissidents locaux de Timisoara, il faut à tout prix faire savoir à Bucarest que des manifestants ont été victimes de fusillades meurtrières, intervenues pour la plupart à distance mais aussi à bout portant. Pour ce faire, des cadavres mutilés sont exhumés d'une fosse commune et exposés sur le sol aux yeux de tous.

La suite est entre les mains des journalistes du monde entier, envoyés sur place pour témoigner. Une vingtaine de corps, revêtus d’un linceul blanc sont alignés. Dans la manière dont les faits ont été présentés, ces derniers témoignent du massacre de 4630 personnes, enterrés à la va-vite par la Securitate pour masquer l’ampleur du carnage qui aurait été commis le 17 décembre 1989. Les médias occidentaux reprennent ces images en boucle, appuyant la thèse que le mouvement de libération devait être particulièrement important et la répression particulièrement violente.

Quelques semaines plus tard, trois médecins locaux révèlent alors que ces corps ne sont pas ceux de manifestants mais, en réalité, ceux de personnes décédées de morts naturelles, déplacées depuis l’Institut médico-légal et hôpitaux voisins afin de créer l’impact recherché. Cela ne remet aucunement en cause la répression vécue par le peuple roumain durant toutes ces années, ni même la violence de la libération, mais le passage du pouvoir médiatique d’un extrême à un autre peut parfois avoir des répercussions surprenantes. Le pouvoir des images peut être extrêmement manipulable et manipulateur. Le métier de photojournaliste implique de savoir ce que l’on fait passer à travers son objectif mais il n’est pas toujours simple de vérifier les faits même lorsqu’ils sont sous nos yeux.

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"DEATH OF AYLAN KURDI" par Nilüfer Demir le 2 septembre 2015 en Turquie.

1.3 Quand la photographie pose la question du voyeurisme mais impacte la société


Le 2 septembre 2015, 6h du matin, sur une plage Turque d’Akyarlar, la photographe Nilüfer Demir est en train de travailler. Elle travaille pour l’agence turque DHA et photographie un groupe de migrants pakistanais qui tente de traverser vers la Grèce. Elle fera dans quelques secondes une photographie qui questionnera le monde sur le fait de montrer la mort en face. Surtout la mort d’un enfant. Et ceci dans quel but ? Une photo d’apparence uniquement voyeuriste n’est-elle pas pourtant extrêmement utile pour réveiller les consciences sur un sujet d’actualité qui concerne le monde entier ? Peut-être cette photo parviendra-t-elle à sauver de la noyade d’autres vies. Peut-être l’a- t-elle dores et déjà fait ?

Cette photo, nous l’avons tous vu, son histoire a fait couler beaucoup d’encre dans les médias, celle de Aylan Kurdi, 3 ans, le visage enfoui dans le sable. Sa famille est syrienne, ils vivent à Kobané. D’abord contrainte à l’exil en Turquie à cause de la guerre civile, ils tentent un retour au pays avant de se résigner à prendre le large vers l’Europe pour ensuite rejoindre le Canada. Celui-ci leur refuse le droit d’asile malgré le fait qu’ils aient de la famille proche sur place. En juin 2015, des combats éclatent avec les forces de l’Etat Islamique et cela parvient à convaincre les deux parents Abdullah et Rihanna, de tenter la traversée de la mer Egée avec Aylan et Ghaleb son grand frère de deux ans plus vieux. Après deux échecs dus aux passeurs et 4000 euros de frais déjà déboursés, ils décident de tenter la traversée par leurs propres moyens sur un petit bateau de 5 mètres, en compagnies d’autres réfugiés.

"Peu de temps après le départ, l’eau a commencé à s’infiltrer, les gens ont paniqué, certains se sont levés, faisant chavirer le bateau", expliquera Abdullah Kurdi aux policiers, selon le rapport qui a fuité dans la presse turque. "J’ai d’abord pu retenir ma femme, mais mes deux enfants m’ont glissé des mains." Ce témoignage est pourtant le même que celui de milliers de personnes dans la même situation.

La suite, c’est Nilüfer qui nous la raconte : "Lorsque j'ai vu le corps d'Aylan Kurdi, j'étais pétrifiée.", "La seule chose que je pouvais faire était de faire entendre ce scandale. J'ai pensé que j'y parviendrai en déclenchant l'obturateur de mon appareil et en prenant la photo." Elle remarque ensuite le corps d’un deuxième enfant, celui de Ghaleb. Comme Aylan, son frère ne porte pas de gilet de sauvetage, rien pour les aider à flotter. Cette image sera le témoignage de milliers de personnes qui se battent pour survivre, et qui finissent par en mourir. Au total, c’est onze corps qui seront rejetés par la mer ce mercredi-là. Parmi eux, une femme, Rihanna, la mère d’Aylan et Ghaleb, ainsi que trois enfants au total.

Le scandale qu’a déclenché cette photo est facilement compréhensible par le fait qu’il s’agisse d’un très jeune enfant. Affronter la mort d’un enfant n’est jamais chose aisée, même si il nous est inconnu, car tout le monde peut s’y projeter. Aylan aurait pu être notre fils, petit fils, petit frère... Il représente chacun d’entre nous et surtout il est un message pour nous, occident, enfants de pays riches et protecteurs qui nous mettons tellement peu à la place de nos semblables. N’importe lequel d’entre nous aurait pris le risque de traverser la mer pour sauver notre famille de la guerre. Ce cas pourrait potentiellement être le notre dans un futur proche ou lointain. Qu’est ce qui dérange donc ? La mort vue en face ? Ou l’humanité qui se révèle parmi ces migrants auquel l’occident tente de faire barrage et qu’elle tente désespérément de déshumaniser ? N’est ce pas dérangeant de les voir humains et semblables, ces étrangers qui, selon les dires de certains encore de nos jours, "ne viennent pour que voler travail et argent public de l’occident" ? Une grande partie de la population préfère se voiler la face et se dire qu’ils seraient bien mieux chez eux, les autres, les "indésirables". Il est tellement plus simple d’ignorer les appels à l’aide. Il est bien plus facile de ne pas se préoccuper des problèmes du monde lorsque ceux ci sont loin. Et le voila le souci : en couverture de nos journaux, cela nous semble bien trop près.

Les détracteurs diront en réaction que la position de l’enfant a été mise en scène pour émouvoir, d’autres diront que le père de l’enfant avait pris la décision de quitter son pays afin de se faire refaire les dents. Toutes les excuses seront données et toutes sont bonnes à prendre pour continuer à fermer les yeux. Les polémiques enfleront durant des semaines au sujet du bienfait de diffuser cette photo ou non, si bien que Luc Bronner, le directeur de la rédaction du journal Le Monde, le premier à choisir de publier cette photo sur la une de leur site internet, sera obligé de la justifier dans l’éditorial du 04 septembre 2015.

"Nous sommes responsables des images que nous montrons. Mais aussi de celles que nous ne montrons pas et que nous gardons pour nous. L'espace d'un instant, nous avons considéré que l’image de la plage Bodrum ferait partie de celles que nous ne montrerions pas, dont nous garderions le poids pour nous. Mais très rapidement, et peut-être à cause du trop-plein d'images récent, il est apparu aux personnes chargées du "desk" qu'il ne fallait pas masquer cette part de la réalité de la migration en Europe. La crise des réfugiés ne se résume pas à des flux de population. Des milliers d'entre eux meurent aux portes de l'Europe et il nous appartient de le montrer et l’expliquer."

Quelques heures plus tard, cette photographie sera en couvertures de plusieurs journaux européens. The Independant, journal britannique, titrera "Somebody’s child", soit "L’enfant de quelqu’un" en posant cette lancinante question : "Si ces images extraordinairement puissantes d'un enfant syrien mort échoué sur une plage ne changent pas l'attitude de l'Europe face aux réfugiés, qu'est-ce qui le fera ? Nous avons décidé de publier cette photo car, avec l'utilisation de mots souvent désincarnés pour parler de la crise des migrants, il est trop facile d'oublier la réalité de situations désespérées parmi les réfugiés." En Italie, La Repubblica tweetera "La photo qui fait taire le monde", et sur Twitter le hashtag #KiyiyaVuranInsanlik, "L’Humanité échouée" en turc, deviendra l’un des plus partagé.

On sent aussi bien dans le témoignage de Nilüfer, que cette photo n’a pas été prise à la légère comme le laissent entendre les détracteurs. Cette photo est une prise de position de la part de l’auteur et l’impact de la vue même de cet enfant l’avait déjà profondément touchée. Il fallait que cela cesse, que le message nous soit diffusé à nous, qui n’étions pas présent sur cette plage pour témoigner. Fermer les yeux sur les problèmes du monde n’est pas une solution et ne fait pas de nous des personnes respectueuses de la vie d’autrui. Cette photo n’est pas un manque de respect, bien au contraire. Elle est un témoignage de compassion, une incitation à l’entraide, c’est comme cela que nous devons la voir. C’est de détourner les yeux qui serait un manque de respect dans ce cas. L’impact quant à lui aura des retombées positives puisque plusieurs pays européens, en particulier l’Allemagne, prendront des engagements en faveurs de l’accueil des migrants suite à la polémique créée par la photographie.

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"OMAYRA SANCHEZ" par Franck Fournier le 16 novembre 1985 en Colombie.

2. LES ROLES, LES IMPACTS

2.1 Quand la photographie questionne le rôle du photographe


Dans la nuit du 13 au 14 novembre 1985, le volcan colombien nommé "Nevado Del Ruiz" entre en éruption après 140 ans de sommeil. Situé à plus de 5300 mètres d’altitude, ce dernier est recouvert par la neige et la glace qui se mettent subitement à fondre pour laisser place à des milliers de tonnes de boue et de cendres. Les vagues formées, appelées "lahars", se déversent littéralement sur la ville d’Armero-Guyabal. Cette catastrophe fera plus de 20.000 morts. Parmi eux, une fillette de 13 ans. Elle s’appelle Omayra Sánchez. Son regard deviendra bientôt le symbole de cette catastrophe et sa lente agonie sera suivie en direct par le monde entier. Omayra est prisonnière des débris. Ses jambes sont coincées sous l’eau par la structure en ciment du toit de la maison.

Une polémique au sujet de la passivité de l’observateur se fera grandissante. Quelle responsabilité a le photographe sur ce qu’il photographie? Dans quelle mesure peut-il réellement agir face à l’horreur? Malgré l’apparente passivité du photographe, peut-il seulement agir? Peux-t-il continuer à être uniquement journaliste?

Franck Fournier revient sur cette journée : "Le photographe Eric Bouvet était à mes côtés. Non seulement, il m’a donné des films vierges, mais en plus il m’a ramené les films dans l’avion, jusqu’à Paris, à mon agence. On voulait tous que la catastrophe soit rapportée au mieux. Plus il y avait de documents à montrer, mieux c’était pour tout le monde."

Le photographe continue son récit : "Je ne voulais pas quitter cette petite fille. Je suis resté jusqu’à sa mort, à 9h16. Je suis resté 3h avec elle." Pourquoi ne pas l’avoir sauvée ? Frank Fournier, fils de chirurgien, s’explique : "Il faut comprendre que quand il y a ce genre d’accidents, sortir quelqu’un qui est coincé est pratiquement impossible. Non seulement, il faut des grues ou des bulldozers pour soulever les murs, mais il faut surtout des équipes médicales et de sauvetage très compétentes : pour Omayra, le pan du mur qui la coinçait était comme un garrot et lui bloquait le sang. Quand vous le soulevez, le sang n’est pas ré-oxygéné et devient toxique. Beaucoup de gens sortis trop rapidement des décombres, y restent." Conscient de la polémique que sa photographie a entraîné, le photographe répond : "C’est très important que cette image et d’autres aient été faites : grâce à elles, le gouvernement colombien a réalisé sa responsabilité et son devoir. Nous voulions montrer l’irresponsabilité des élus, des militaires et des religieux qui ont tous fui devant leur responsabilité."

Cette photo bouleversera et soulèvera pourtant les foules par son côté faussement passif. La petite fille restera coincée 60h avant de succomber. L’impact est d’autant plus fort que durant des heures, le monde entier a les yeux rivés sur son destin et chacun est en droit d’en attendre une fin heureuse qui n’aurait pu arriver. En effet, il faudrait pour cela amputer ses deux jambes, et son cœur déjà très affaibli ne tiendrait pas le choc, il lâchera quelques heures plus tard.

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"THE NAPALM GIRL" par Nick Ut le 8 juin 1972 au Vietnam.

2.2 Quand la photographie change la vie de la personne photographiée


Durant la dévastatrice guerre du Vietnam, le photographe de l’agence Associated Press, Nick Ut Cong Huynh, Vietnamien d’origine lui aussi, couvre le conflit à Trang Bang près de Saigon ce jour-là. Kim Phuc, 9 ans, est à la pagode Cao Dai avec sa famille, attendant une célébration. Elle est en train de jouer quand un avion sud vietnamien envoie par erreur des bombes au napalm, un carburant extrêmement inflammable, sur son village. Officiellement, il prend un groupe de civils pour des troupes ennemies. Dans l’une des vidéos filmées lors de la catastrophe, on peut voir la grand- mère de la petite fille courir, portant un bébé brûlé dans les bras. Kim Phuc, elle, suit derrière tandis qu’à ses côtés, son frère hurle "Aidez ma sœur ! Aidez ma sœur !" Elle a ôté ses vêtements en flammes, ou ceux-ci sont tombés et elle court maintenant nue, la peau du dos en lambeaux. Leurs visages sont d’une expressivité glaçante.

Nick Ut prend alors cette photo qui deviendra iconique, un symbole de la violence du conflit vietnamien, et qui, selon les rumeurs, en fera prendre conscience à des milliers de personnes, voire, favorisera la fin de cette guerre. Leurs visages sont parlants de terreur. Nick Ut, après avoir pris cette photo, mettra immédiatement de l’eau sur les brûlures de la petite fille avant de l’emmener à l’hôpital. Avec le recul des années, elle dira que trois miracles eurent malgré tout lieu ce jour-là. Le premier était que malgré l’étendue de la brûlure au troisième degré qu’elle était en train de subir, la plante de ses pieds n’avait pas été touchée et qu’elle avait grâce à ça pu courir et sauver sa vie. Le second, était qu’après qu’elle se soit évanouie, le photographe Nick Ut l’ait emmenée à l’hôpital de Cu Chi, entre Trang Bang et Saigon. Enfin le dernier était que sa mère la retrouve dans ce même hôpital plus tard ce jour-là, alors qu’elle cherchait ses enfants.

Un article raconte que le journaliste Christopher Wain, présent au moment de l’attaque, rechercha la jeune fille dans cet hôpital de Cu Chi pour savoir comment elle allait, si elle avait été soignée et qu’une infirmière lui répondit "Elle va mourir, ce n’est qu’une question d’heures". Le journaliste téléphona à qui il pouvait dans ses contacts afin de faire transférer Kim dans une clinique américaine. Il fallait cependant l’accord du ministère sud-vietnamien des affaires étrangères. Celui-ci refusa, rendant fou le journaliste. Ce dernier sortit alors un couteau de sa poche et le tendit au ministre en disant : "Cette gosse souffre atrocement. Alors prenez ce couteau et rendez-lui service en lui tranchant la gorge". Kim Phuc fut ainsi transférée à Barsky puis sauvée avec pas moins de dix-sept opérations. Elle y restera hospitalisée 14 mois.

Reconnaissante pour l’aide qu’elle reçût alors, elle décidera plus tard d’étudier la médecine avec beaucoup de difficultés dues à ses problèmes physique et psychologiques. Elle ne parviendra jamais à bout de ce projet. Le gouvernement vietnamien communiste réalisera quant à lui la valeur de la "fillette au napalm" comme symbole de propagande anti-américaine. Cette scène est parfois aujourd’hui encore faussement décrite comme étant l’image atroce d’une attaque américaine. Le président Richard Nixon y vit pour sa part un coup monté par les médias.

"Tout le monde en parlait, comme jamais on n’avait parlé d’une photo". L’opinion publique américaine, en 1972 était déjà largement opposée à la prolongation de cette guerre mais sa mobilisation commençait à s’essouffler. L’éditorial du New York Times insista sur le terme de "guerre sale" que menait les USA et l’opinion publique se mobilisa de plus belle. Après avoir fait la une des journaux du monde entier, elle est aujourd’hui considérée comme l’une des photos les plus emblématiques du XXème siècle. Souvent représentée comment ayant modifié le cours de la guerre, ce à quoi les historiens s’empressent de rectifier que les USA étaient déjà dans une politique de retrait à cette date, ayant déjà acquis la certitude que sur le plan militaire, la guerre était déjà perdue pour eux.

La raison du bombardement par les "Viêt-Cong" peut encore sembler floue. Ce pourrait être une volonté de base de la faire passer pour une attaque américaine, ou comme il l’a été dit, une erreur, étant persuadés que des "Viet-Minh" se cachaient dans le village. Ce village est situé sur la route 1, route stratégique qui traverse tout le pays de haut en bas. Il se trouve plus exactement entre Saigon et Pnom Penh, capitale Khmer. Il est tenu depuis 3 jours par les troupes nord-vietnamiennes, et assiégé par les sud-vietnamiens. La plupart des habitants du village ont donc déjà pris la fuite et attendent de pouvoir rentrer chez eux après la fin des combats. Bien que rien n’indique qu’il reste des nord-vietnamiens sur place, les sud-vietnamiens décident malgré tout de bombarder le village au napalm; napalm qui sera immédiatement imputé aux Américains. Sur la route, les journalistes, photographes et cameramen, prêts à rapporter les faits, étaient apparemment au courant de l’imminence de cette attaque mais probablement pas de la présence de civils encore dans le village.

Un autre problème soulevé par la photo fut celui de diffuser ou non la nudité frontale d’un enfant. De retour dans les bureaux de l’agence Associated Press, Nick Ut fait développer les huit rouleaux de pellicule Kodak 400 asa, utilisé pour son reportage. Cette photographie sort rapidement du lot mais l’image de la fillette fait débat. A-t-on le droit ou non de montrer la nudité vue de face dans ce cas précis ? Le règlement très strict de l’agence l’interdit catégoriquement. L’exception sera accordée quatre jours plus tard, par le responsable éditorial du siège New Yorkais, étant donné la puissance dégagée par cette photographie. Elle sera recadrée afin de mettre la jeune fille, initialement à gauche de la photo, en plein centre, accentuant ainsi la force d’impact, et sa position, les bras écartés, évoquant le symbole chrétien du Christ sacrifié. C’est ainsi qu’après avoir fait la une du New York Times le 12 juin 1972, elle fera la une des journaux du monde entier.

Nick Ut obtiendra grâce à cette image le prix Pulitzer ainsi que le World Press Photo en 1973. Kim Phuc, aujourd’hui résidente du Canada deviendra ambassadrice de l’Unesco.

L’une des personnes coupées au recadrage est le photographe David Burnett. On peut le voir sur la photo originale en train de recharger son appareil photo. Il est intéressant de comparer le point de vue de ces deux photographes et de voir que l’impact de leurs photos respectives n’a pas autant d’intensité pour un même fait couvert. La photo de David Burnett montre pourtant la fillette de dos, avec toutes les brûlures provoquées et les dégâts du napalm de manière très crue. Pourtant restera la photo de Nick Ut, plus suggestive, surement plus expressive par le fait de voir les visages et de lire la terreur déformer le visage des enfants plutôt que montrer uniquement les conséquences physiques. Les conséquences psychiques sont-elles peut être plus évocatrices en photographie ? Un regard et un cri fuyant la poussière serait donc plus efficace que des blessures.

"PHAN THI KIM PHUC", par David Burnett le 8 juin 1972 au Vietnam.

"THE NAPALM GIRL" non recadrée, par Nick Ut le 8 juin 1972 au Vietnam.

"PHAN THI KIM PHUC AND HER FIRST SON" par Quang Minh, 1983.

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"VULTURE STALKING A CHILD" par Kevin Carter en mars 1993, Soudan.

2.3 Quand la photographie change la vie du photographe


Kevin Carter est sud-africain. Il a 33 ans en 1993, lorsqu’il prend la photo qui changera sa vie et qui deviendra un symbole de la famine en Afrique. Il travaille depuis plusieurs années comme photoreporter au sein du Bang Bang club, une association de quatre photographes qui ont notamment documenté la fin de l’apartheid et la transition de l’Afrique du Sud à cette époque. Sa détermination à dévoiler le vrai visage de l'apartheid sud-africain fait peser sur lui les menaces de prison, et même d'assassinat.

En mars 1993, accompagné d’un autre membre du Bang Bang club, Joao Silva, il se rend au Soudan afin d’enquêter sur la guerre civile qui frappe le pays ainsi que la famine. En arrivant au centre d’approvisionnement du village d’Ayod, il tombe sur cet enfant qui semble particulièrement souffrir de malnutrition et semble trop faible pour se mouvoir. L’image déjà terrible est renforcée par un vautour qui vient se poser derrière lui, comme attendant son heure.

Le photographe décide alors de prendre son appareil en main et de témoigner. Il attendra même vingt minutes que le vautour déploie ses ailes pour intensifier la violence de l’image en vain. Il chassera ensuite le vautour, parcourra un kilomètre ou deux avant de s’effondrer en larmes. Quand il rejoint son ami Joao Silva, il est complètement sonné: "Il était clairement désemparé. Pendant qu’il m’expliquait ce qu’il avait photographié, il n’arrêtait pas de montrer du doigt quelque chose qui avait disparu. Il n’arrêtait pas de parler de sa fille Megan, il avait hâte de la serrer dans ses bras. Sans aucun doute, Kevin a été très affecté par ce qu’il avait photographié, et cela allait le hanter jusqu’à la fin de ses jours."

Le New York Times publie la terrible photo le 26 mars 1993 accompagnée d’un article de la reportrice Donatella Lorch ainsi que cette légende : "Une petite fille, affaiblie par la faim, s'effondre sur le chemin d'un centre d'approvisionnement alimentaire à Ayod. A côté, un vautour attend." L’impact de cette image ne se fait pas attendre, le journal reçoit des quantités de courriers demandant ce qu’il est advenu de l’enfant. Le journal est même obligé de rédiger un édito pour pouvoir répondre à tous et apaiser les consciences. Ce dernier précise que l’enfant a pu regagner le centre mais que l’on ne sait pas s’il a survécu ou non. 

En même temps qu’un prix Pulitzer en avril 1993, Kevin Carter reçoit des critiques particulièrement acerbes. "L’homme qui n’ajuste son objectif que pour cadrer au mieux la souffrance n’est peut-être aussi qu’un prédateur, un vautour de plus sur les lieux", écrit le Saint Petersburg Times. Il lui est reproché d’avoir laissé l’enfant livré à son sort.

En 2011, Alberto Rojas, journaliste d’El Mundo voulant aller au-delà de la légende, part enquêter sur le sujet ne trouvant que des écrits accablants le photographe. En se renseignant auprès d’un de ses amis photographes présent sur les lieux à l’époque, il découvre et révèle alors au monde que l’enfant de la photo n’est pas une petite fille mais un petit garçon et que ce dernier sur cette photo se situe en fait à quelques mètres seulement de sa famille faisant la queue pour obtenir une ration de Médecins du Monde. Le bracelet autour de son minuscule poignet témoigne que l’enfant était alors déjà pris en charge par l’association et que le photographe n’aurait absolument rien pu faire de plus que de témoigner de ce qu’il voyait aux yeux du monde.

En se rendant sur les lieux, il rencontre le père de l’enfant et lui montre la photo que personne dans le petit village n’avait jamais vu. Aucun d’entre eux ne se doute même que celle-ci a fait le tour du monde. La présence du vautour, tellement décriée en occident, ne semble être aucunement une vision dérangeante pour eux étant donné leur nombre dans la région. Il découvre que l’enfant aura vécu jusqu’en 2007, soit 14 ans après cette photo. Il décèdera non pas à cause de la famine mais d’une fièvre intense due au paludisme.

Lorsqu’est faite cette découverte sur l’histoire de sa photo, Kevin Carter n’est pourtant plus de ce monde depuis dès années. En effet, un matin de juillet 1994, trois mois après l’obtention de son prix, souffrant de dépression et anéanti par l'assassinat de son ami reporter Ken Oosterbroek, il se suicide en s’empoisonnant dans sa voiture au milieu du désert. Il laissera une note où il évoque "les souvenirs persistants de massacres et de cadavres". Le photographe doit-il être vu comme un charognard qui se contente d’immortaliser le moment sans aider ? Quel a été l’impact de sa propre photo sur la décision de mettre fin à son existence ? Etait-ce le poids de la culpabilité ? Etait-il lui aussi persuadé que l’enfant n’avait pas survécu à cause de lui ? Sinon pourquoi ne pas avoir parlé du contexte qui démentirait son inaction ? Pourquoi son action, celle de photographier, celle de témoigner, n’a t’elle pas été reconnue comme telle ?

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"V-J DAY IN TIMES SQUARE" par Alfred Eisenstaedt le 14 août 1945 aux USA.

3. LES INTERPRETATIONS

3.1 Quand l’histoire racontée par la photographie n'est pas ce qu'elle semble être


Le 14 août 1945, les USA sont en fête. Toute une partie du monde est en fête. Le Japon a finalement capitulé et c’est la fin de la seconde guerre mondiale qui aura duré six années. C’est la fin d’un conflit littéralement planétaire, qui opposera les Alliés et l’Axe : l’Allemagne nazie, l’Italie fasciste et l’Empire du Japon. Les Alliés, principalement les Etats Unis, l’Union Soviétique et le Royaume Uni, créeront ensuite l’Organisation des Nations Unis, une organisation regroupant presque tous les états du monde et ayant pour finalité la paix mondiale.

Alors que les marins remettent le pied à terre et que la joie se manifeste partout dans les rues, une photo est immortalisée par Alfred Eisenstaedt, sur Times Square, une seconde sera prise par un autre photographe, Victor Jorgensen, avec un angle et un cadrage légèrement différent. Sur ce cliché pris en noir et blanc pour le magazine Life, un marin se penche largement sur une jeune infirmière, en la tenant fermement et en l’embrassant sur les lèvres. Cette photographie symbolisera la joie et le bonheur de la fin de la guerre. Dans l’imaginaire collectif, on conçoit parfaitement le beau marin rentrant de sa mission et enlaçant fougueusement sa femme, infirmière, dans un élan d’amour et de retrouvailles. Cette histoire immortalisée est aujourd’hui extrêmement connue et est devenue presque un classique, pourtant, ce qui est visible ne dépeint pas forcément ce que l’on s’imagine.

Le photographe décrira la scène dans l’un des livres qu’il écrira par la suite : "À Times Square, lors du V-J Day, j’ai vu un marin qui parcourait la rue et serrait contre lui toutes les filles qu’il croisait. Qu’elle soit grand-mère, forte, mince ou vieille ne faisait aucune différence. Je courais devant lui avec mon Leica, essayant de prendre des photos par-dessus mon épaule, mais aucune de ces prises ne me satisfaisaient. Puis soudain, en un éclair, j’ai vu qu’il saisissait quelque chose de blanc. Je me suis retourné et j’ai pris une photo au moment où le marin embrassait l’infirmière. Si elle avait porté une robe de couleur sombre ou si le marin avait porté des vêtements de couleur claire, jamais je n’aurais pris cette photo. J’ai pris exactement quatre images, et le tout s’est déroulé en quelques secondes seulement. Sur ces quatre photos, une seule était convenable. Sur les autres, la prise de vue était mauvaise –le marin paraissait soit trop grand, soit trop petit. Les gens m’ont souvent dit qu’ils emporteraient au ciel le souvenir de cette scène."

Des dizaines de personnes se revendiqueront comme les personnages principaux de cette photographie. Parmi ceux-ci, les hypothèses probables restantes sont Glenn McDuffie avec Edith Shain, ou encore George Mendosa et Greta Zimmer Friedman. "Je n'ai pas choisi d'être embrassée... Le mec est juste arrivé et m'a attrapée. Je ne l'ai pas vu approcher, et avant que je ne comprenne ce qui se passait, je me suis retrouvée enserrée dans un étau" racontera Greta dans un témoignage publié sur le blog Crates and Ribbon qui continuera en ces mots : "Le marin George Mendonsa, lui, est au cinéma avec sa petite amie (et future femme) Rita, quand une foule en liesse interrompt la séance. Ravi de ne pas avoir à retourner dans le Pacifique, le marin écume les bars, Rita sur ses talons. A Times Square, bien aviné, il aperçoit Greta Zimmer qui retourne au travail."

L’une des photographie connue pour être l’une des plus romantiques de tous les temps serait-elle donc ni plus ni moins que le témoignage d’une agression sexuelle venant d’un homme tout simplement ivre? Cette révélation fait l’effet d’une bombe. Quand on observe bien la photographie, on constate en effet à quel point le marin semble enserrer la jeune femme de manière forte, le poing serré vers le haut, et à quel point elle s’agrippe à sa jupe et son sac. Le sourire goguenard du marin au second plan laisse imaginer lui aussi "la blague" qu’est en train de commettre son ami. Comment la légende urbaine peut-elle se tromper à se point ? Il faut faire très attention au poids des mots mais aussi au choc des photos.

Dans un communiqué, le réseau "Osez le féminisme" réclame le retrait d’une statue mémorielle installée à Caen représentant cette photo et rappelle à la population les moments sombres de la période et la place qu’on a alors assignée aux femmes, un écho difficile à cette affaire. "En tant que lieu de mémoire, il pourrait en revanche évoquer la question des femmes pendant la Seconde Guerre mondiale et notamment : les femmes violées en Normandie par les alliés lors du Débarquement, le phénomène des femmes tondues à la Libération, ou encore les nombreuses résistantes effacées des livres d’histoires."

En France, de nombreux viols ont, en effet, été constatés, raconte Mary Louise Roberts dans le livre "What Soldiers do". Cette historienne américaine parle aussi du vaste système de prostitution qui s’était mis en place : "Les prix pour la "marchandise moyenne", c’est de cette façon que le journal des GI Panther Tracks menait l’enquête à l’époque, démarraient à 150 francs et pour les services de femmes particulièrement capricieuses et de toute beauté, il fallait s’acquitter de 600 francs. Les Françaises étaient négociées entre soldats américains en tant que "cold cuts" : "tranches" – des morceaux de viande vivants –, plus ou moins chers."

"Il est difficile de concevoir que le corps d’une femme est toujours sa propriété à elle, et qu’il n’est pas utilisable à la volonté de quelque homme que ce soit sans son consentement. Il est de loin plus aisé d’être aveugle au ressenti d’une femme, de clamer qu’elle devrait faire preuve d’empathie pour les hommes, qu’elles devraient être "sport" face à ce genre d’acte et juste faire avec" dira encore le blog qui dénoncera le premier cet acte. Six images de baisers accompagnent l'article de Life de 1945. Mais "à l'exception de la photo du "Baiser de Times Square" d'Eisenstaedt, toutes les autres photos de baisers décrivent des actes plus lascifs ou transgressifs". C'est la plus consensuelle qui deviendra une icône, réduisant l'événement à ses aspects positifs.

En 1980, quand le magazine Life réuni les deux protagonistes pour une photo souvenir sous l'objectif d'Alfred Eisenstaedt, Greta refuse tout net la demande du marin, qui, pour sa part, aurait voulu rejouer la scène.

"SAIGON EXECUTION" par Eddie Adams, 1er février 1968, Vietnam.

Une autre photographie également très célèbre est utilisée régulièrement comme symbole, cette fois, afin de dénoncer les horreurs de la guerre et la cruauté du genre humain. Cette photo a bien souvent été utilisée contre la guerre du Vietnam car on peut y voir le lieutenant-colonel Nguyen Ngoc Lam en train d’exécuter sans sourciller quelqu’un qui semble être un civil. Bien que la guerre ne soit évidemment pas à défendre,il faut aller un peu plus loin que le simple principe manichéen. La problématique que pose cette photographie est que ce qu’elle représente peut être tronqué par le fait que la personne exécutée n’est pas juste un simple civil comme de nombreuses personnes l’ont occulté afin de faire passer leur message de paix. Il s’agit en fait du "Viêt-Cong" Nguyen Vam Lem, un assassin de sang froid lui aussi.

Eddie Adams expliquera qu’il est aujourd’hui désolé d’avoir pris ce cliché, malgré le prix Pulitzer qui lui sera octroyé grâce à lui, car cette photo ne dépeint pas clairement la réalité. Elle place le colonel dans le rôle de la personne critiquée par la photographie alors que la personne exécutée est un dangereux prisonnier ayant assassiné des policiers ainsi que la famille d’un ami de ce colonel. Sans vouloir justifier la décision du colonel de commettre ce meurtre, qui plus est en pleine rue, en plein jour, il est important de clarifier la scène.

Le contexte est particulièrement important à poser dans certains cas comme celui-ci afin de ne pas induire les lecteurs en erreur quant aux faits. Une photographie seule ne raconte pas forcément les faits de la manière dont on le souhaiterait. La légende d’une photographie peut faire basculer tout son sens et l’opinion publique qui s’ensuit. Le genre de photographie qui, comme celle-ci, a eu un impact important, aux Etats-Unis notamment sur la fin de la guerre, doit garder tout son sens malgré tout, même si les causes qu’elle sert sont bonnes. L’outil photographique et le métier de photojournaliste ne cherchent aucunement à faire dans la propagande pour servir leur cause. Ce métier est une recherche de vérité perpétuelle et cherche à montrer les choses au plus vrai de ce qu’elles sont sans avoir à manipuler, ni les images, ni les observateurs.

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"POLICIERS FRANCAIS LORS DES ATTENTATS" par Benjamin Filarski le 15 novembre 2015 à Paris.

3.2 Quand le message initial de la photographie est détourné


Le soir du vendredi 13 novembre 2015, Paris vit les pires attentats terroristes que la France ait connu jusqu’alors. Une série d’attaques simultanées mises en place par l’Etat Islamique, une organisation terroriste, est sur le point de frapper la capitale française, pour la deuxième fois de l’année 2015.

Il est 21h20 quand a lieu la première explosion. C’est le stade de France qui est victime des premières attaques, mais celles-ci seront déjouées à temps. Les terroristes ne parviendront pas à entrer dans l’enceinte du stade, plein ce soir de match. L’attaque ne fait qu’une victime mais personne ne s’imagine encore ce qu’il va se produire par la suite. Les trois kamikazes se font alors exploser dans ce qui sera les tous premiers attentats suicide en France. 21h40, soit quasiment au même moment, dans les Xème et XIème arrondissements de la capitale, rue de Charonne, rue Alibert et rue de la Fontaine au Roi, une voiture tire à la kalachnikov sur les personnes attablées en terrasse des bistrots. C’est une vraie scène de guerre qui est en train de se jouer en plein Paris. Les terroristes descendent de la voiture, tirent à bout portant sur leurs proies, l’un d’entre eux se fait exploser boulevard Voltaire blessant ainsi d’autres personnes.

Il est alors 22h dans la célèbre salle de concert du Bataclan, le groupe américain "The Eagles Of Death Metal" est sur scène devant 1500 personnes lorsque retentissent les premiers coups de feu. Les terroristes tirent impassiblement à l’arme automatique dans le public réuni pour le concert. C’est l’attaque la plus longue et la plus meurtrière de ces attentats. Elle dure une quinzaine de minutes et les terroristes s’amusent à traquer leurs proies jusque dans les loges. Un assaut des forces de l’ordre mettra un terme à la tuerie mais le bilan total de ces attentats atteindra le nombre de 130 morts et 413 blessés hospitalisés.

La France est sous le choc, à nouveau. Des personnes viennent se recueillir durant des jours, fleurir les terrasses théâtres du drame ainsi que la façade de la salle de spectacle. Les policiers ont été mis à rude épreuve eux aussi. Ils sont préparés à tout, sauf quand l’exercice finit par se produire de manière réelle. Le soir du 15 novembre, deux jours après le drame, deux policiers venu se recueillir à leur tour rue de la Fontaine au Roi se tombent dans les bras l’un de l’autre. L’émotion est trop forte pour la contenir. Benjamin Filarski, un jeune étudiant photojournaliste est justement là à ce moment précis et immortalise la scène.

Cette photo deviendra vite célèbre. Il est impossible de ne pas être sensible à ces représentants des forces françaises perdant la face devant l’horreur. C’est un peu le symbole de la France qui craque qui se traduit dans ce cliché, et ça, quelques personnes l’ont très bien compris, et exploité d’une manière que l’on attendait pas. En effet, le 30 novembre 2015, soit deux semaines après ces jours sanglants, l’Etat Islamique qui a finit par revendiquer la tuerie, sort le numéro de décembre de son magazine mensuel en français, Dar Al Islam. En couverture, la photo de Benjamin Filarski avec ce sous-titre "La France à genoux".

"Pauvre France. Elle finit l’année comme elle l’a commencée : dans les larmes et le sang. La minable petite France a été frappée de plein fouet par les lions du Califat lors des attaques bénies du 13 Novembre 2015, à Paris et Saint-Denis."

Photo reprise en couverture par le magazine de Daech comme symbole de victoire en novembre 2015.

De la même manière, la photographie du petit Aylan Kurdi noyé sera exploitée par l’Etat Islamique à des fins de propagande pour dissuader les partisans de l’EI de se rendre en Occident. Dans sa dernière édition de son magazine Dabiq, l'EI publie l'image du petit garçon, avec en titre : "Les dangers de l'abandon de Dar al-islam", autrement dit, les terres de l'islam, qui incluent l'autoproclamé "califat" du groupe djihadiste en Syrie et en Irak. "Certains Syriens et Libyens sont malheureusement en train de risquer la vie et l'âme des êtres dont ils sont responsables... beaucoup perdant la vie durant le périple qui les conduit à la terre des croisés", souligne le texte. Il dénonce "un péché majeur" que sont en train de commettre les musulmans en emmenant leurs enfants en Occident, où "ils vivent sous la menace constante de la fornication, la sodomie, les drogues et l'alcool".

Le problème qui se pose alors est alors le point de vue, ce gouffre qui sépare l’interprétation du message et l’intention initiale de l’auteur qui ne peut pas contrôler les conséquences de sa photographie. Comment une seule photo peut-elle renvoyer deux messages aussi différents ? Ces expériences prouvent bien qu’une photo avec une volonté initiale de montrer quelque chose, de témoigner d’un fait concret, peut être détournée par le récepteur. Le point de vue de ce dernier devient alors essentiel au passage du message en question. Il devient aussi important que le point de vue du photographe qui doit alors faire avec, vivre avec ce que les autres font de sa photo et de son message. Elle entre "dans le domaine publique" et devient sujette à interprétation ce qui peut être particulièrement difficile à vivre quand le message exploité involontairement va autant à l’encontre de la volonté de l’auteur.

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"BURNING MONK" par Malcolm Browne le 11 juin 1963 au Vietnam.

3.3 Quand la photographie fait corps avec la volonté et le message du protagoniste


Saigon, le 11 juin 1963, Thich Quang Duc se rend à une manifestation bouddhiste dans une Austin bleu ciel. Trois cent cinquante religieux sont réunis pour l’occasion. Cette manifestation intervient durant une période de tension politique et religieuse dans le sud du Vietnam, entre mai et novembre 1963. Elle a été notamment provoquée et officiellement déclarée le 8 mai 1963, suite à des tirs tuant 9 civils non armés à Hué. Ces derniers étaient alors en train de protester contre l'interdiction d'arborer le drapeau bouddhiste lors des fêtes de Vesak, soit l'anniversaire de Bouddha. La résistance civile menée par les moines bouddhistes durera six mois.

Thich Quang Duc quitte la vie en société à l'âge de 7 ans pour étudier le bouddhisme puis est ordonné moine à l'âge de 20 ans. Il s'isole alors dans un lieu retiré dans une montagne près de Ninh Hoa, se promettant une vie d'ermite pour les trois années suivantes. A la fin de cette période, il commence à parcourir le Vietnam pour enseigner le Dharma, soit la philosophie, la doctrine et les valeurs bouddhistes. Deux ans plus tard, il se retire finalement dans une pagode, celle de Sac Tu Thien An près de la ville de Nha Trang.

Il a 66 ans lorsque la crise éclate dans le pays. Dans sa voiture bleu ciel, au carrefour des rues Phan Dinh Phung et Le Van Duyet, il descend sous les yeux de ses nombreux disciples, il s'assied au milieu du carrefour, se fait recouvrir d'essence par un fidèle et s'enflamme avec une torche en signe de protestation. Le photographe Malcolm W. Browne, dépêché sur les lieux, sentant qu'il allait se passer quelque chose d'important est présent pour immortaliser son acte de résistance ultime. Il ne s'attendait probablement pas à ça mais ses photos sont les seuls témoignages visuels qui resteront. Ils permettront probablement de graver ce geste dans les mémoires collectives et d'étendre le message voulu par le moine au monde entier.

On raconte que Thich Quang Duc n'émettra aucun son, ni ne bougera durant son sacrifice pour ses idées. Après constatation de son décès, son corps sera incinéré et la version officielle dira que seul son cœur aurait résisté aux flammes. Il sera conservé dans un reliquaire et le moine sera, suite à ce fait, considéré comme un bodhisattva. Ce nom désigne un bouddha juste avant qu'il n'ait atteint l'éveil. Son cœur encore intact sera perçu comme un symbole de compassion et de pureté. La photographie fera le tour du monde et gagnera un prix Pulitzer.

Si le but du moine était de toute évidence de marquer les esprits pour faire changer les choses, le rôle du photographe fait corps avec celui du moine en continuant le travail de diffusion du message de paix dans le monde. Ce qui pourrait sembler irrespectueux de voyeurisme se marie finalement à la cause de manière complémentaire. Bien que ceci n'ait peut être pas été calculé par le moine, grâce à la photographie, grâce au témoignage visuel, le geste devient encore plus grand, et a surtout encore plus d'impact puisqu'il touche bien plus que le Vietnam seul.

Le geste de Thich Quang Duc augmente alors la pression internationale sur le président Ngo Dinh Diem et conduit ce dernier à mettre en place des réformes ayant pour but d'apaiser les relations avec la communauté bouddhiste. Les réformes promises, quand elles sont vraiment mises en œuvres, le sont très lentement ce qui mènera à une détérioration de la situation. Par la suite, les forces spéciales de l'armée sud-vietnamienne lanceront des raids sur les pagodes, s'empareront du cœur du moine immolé et causeront encore de nombreux morts. D'autres moines suivront son exemple en s'immolant eux aussi mais c'est finalement un coup d'état de l'armée qui renversera le président qui sera assassiné le 2 novembre 1963 et qui mettra fin à la crise. L'immolation de Thich Quang Duc restera dans les mémoires comme un tournant de la crise bouddhiste qui conduira à la chute de la première république du Vietnam.

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4. LA QUESTION DU DROIT A L’IMAGE


Le droit à l'image est un sujet délicat en matière de photojournalisme car il doit prendre en compte le droit à l'information et le droit à la personne, qui correspond au point de vue des victimes et des familles de victimes. Il n'est pas toujours évident de faire concorder ces deux aspects. Doit-on aller vers des clichés où les personnes ne sont pas identifiables au risque de perdre un important potentiel et patrimoine photo- journalistique ?

La question du droit à l'image est principalement d'origine jurisprudentielle. En l'absence de toute règle de droit spécifique, c'est le rôle des juges français qui prend toute son importance. Ils doivent trancher entre des principes contradictoires : l'article 9 du code civil qui protège l'intimité et la vie privée de tout homme, et l'article 10 de la convention européenne de la sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, ce dernier s'appuyant directement sur la constitution française et sur le principe de la liberté d’expression et d’information. La jurisprudence fait pourtant en général prédominer les droits à la personne sur le droit à l'information. Pour le professionnel, cela se traduit par l'obligation de faire signer un accord de la personne photographiée, et dans bien des cas cela rend le métier de photojournaliste difficile sur plusieurs points.

D’abord parce que lorsqu’un événement grave se produit, un cliché peut ne prendre que quelques secondes pour être pris mais bien vite, la réalité et la compassion peuvent pousser l’auteur à s’impliquer humainement et laisser le photographe de coté pour secourir les personnes qui peuvent l’être. Il est alors bien compliqué de sortir un document officiel à signer dans ce genre de moment où la vie ne tient qu’à un fil et où le matériel paraît si lointain. Parfois également, les personnes photographiées ne parlent pas la même langue que l’auteur et n’en ont aucune commune avec. Pour quelqu’un qui voyage beaucoup, il n’est pas simple de faire comprendre ses intentions de journaliste, même si elles sont bonnes, ce type d’intentions, même dans une langue maternelle étant délicates à transmettre correctement. Dans d’autres cas, ce sont les familles des victimes qu’il faut retrouver car la victime n’est pas ou n’est plus en moyen de signer quoi que ce soit et ce peut être un très long parcours que de les retrouver. Cette manière de procéder est souvent incompatible avec le feu de l’action que requiert parfois le métier.

Jusqu'à présent, pour être dispensé du consentement de la personne, la photographie de presse devait entrer dans certains critères bien définis tels que la nécessité de l'actualité, ne pas porter atteinte à l'intégrité de la personne, ni à son intimité ou sa vie privée, être prise dans un lieu public, et que la personne ne soit pas centrée dans le cadrage afin de ne pas en faire l'objet principal de la photographie mais aussi que la photo ne soit pas sortie de son contexte, qu'elle ne dénature pas l'image de la personne et qu'elle ne porte pas atteinte à la dignité humaine. De plus en plus, ces restrictions sont revues à la baisse, et ces exigences perdent de leur poids du fait des grandes problématiques qu'elles créent au métier de photojournaliste mais restent cependant observées par les juges avec attention.

Cette évolution prend aussi son sens dans le fait que l'article 10 de la constitution prenne de plus en plus de poids et que la liberté d'expression soit aujourd'hui une valeur largement défendue. Ce changement de mœurs et de point de vue concernant le droit à l’image, probablement également fortement influencé par la montée et la popularisation d’Internet à travers le monde, permet une bien plus grande liberté d’action pour les professionnels de la presse.

La loi Guigou, adoptée le 15 juin 2000, protège la présomption d'innocence et punit les atteintes à la dignité des victimes. Elle a entériné le concept de droit à la dignité humaine utilisé par la jurisprudence depuis une vingtaine d'années. Cependant, la définition de "dignité humaine" telle que définie par les juges est un peu floue. Ainsi, une représentation indécente peut être un qualificatif pour un visage déformé par la terreur, torturé par la douleur, un visage hébété face à l’horreur tout comme une représentation de membres arrachés ou de la nudité ou semi-nudité, la recherche de sensationnel au détriment de la personne ou le ridicule provoqué ou non mais subit.

Il est important de cerner correctement ce concept de manière globale afin de pouvoir appliquer une pratique de la justice impartiale et égalitaire, mais aussi car ce concept de dignité humaine semble être le dernier rempart qui définit le droit à l’image. Il est important pour ce faire, de prendre en compte la tonalité de l’image ou de l’article afin qu’elle ne soit pas gratuite et uniquement spectaculaire en dépit des victimes et de leur point de vue. On ne cherche pas l’indécence ni le voyeurisme ou le sensationnel. Le photojournalisme sert bel et bien un but sain, d’information et de défense des idées. Malgré le fait qu'il doive subsister avant tout un équilibre entre ces deux concepts qui s’opposent, selon l’avocat Christophe Bigot : "Publier une photo d'actualité, c'est très souvent prendre un risque, pour une agence, pour un photographe, et aussi pour un support de presse".

C’est normalement à l’agence et non au diffuseur de s’occuper de recueillir les autorisations de droit à l’image, mais les photographes ne sont pas à l’abri pour autant. Récemment le photographe Yan Morvan, qui a publié plusieurs ouvrages photographiques au sujet de gangs qu’il a eu l’autorisation de côtoyer durant 40 ans, a notamment été attaqué par deux fois par un de ses sujets qui avait pourtant donné son consentement en 1987. Le photojournaliste, son éditeur, La Manufacture Des Livres, ainsi que Le Nouvel Observateur ont été condamnés à payer ou à faire retirer les photographies en question des livres. De son coté, Yan Morvan revendique haut et fort sa liberté de photojournaliste. Le célèbre blog Mediapart écrit dans un article à son sujet :

"Solution ? Faire signer une décharge par les photographiés ! L’assurance d’une photographie posée, peu naturelle mais surtout non conforme à la vérité de l’instant. D’un côté on s’extasie sur le "magic déclic" des grands maîtres de la photographie du XXème siècle, de l’autre on contraint les photojournalistes d’aujourd’hui à faire des images stéréotypées, arrangées... En outre, les photographies d’archives comme celles de Yan Morvan, se voient toutes susceptibles d’entraîner des poursuites."

La responsabilité du journal ou du support peut être mis en cause quand l’usage est différent de ce qui était initialement prévu, quand il est tendancieux ou dégradant pour la personne photographiée. Certains journaux et publications remboursent totalement les frais de condamnation inhérents à ce genre d’affaire dont ils sont parfois habitués, grâce aux profits des ventes des numéros contenants les photographies litigieuses. Pour les autres pour lesquels les frais sont moins évidents à faire entrer dans les comptes, on est en droit de se poser la question de l’autocensure par obligation.

L'Association Nationale des Journalistes Reporters, Photographes et Cinéastes, a publié un manifeste pour l'image tandis qu'après l'annonce du projet de loi Guigou, les photographes présents au festival de photojournalisme de Perpignan en septembre 1999 ont lancé dans Le Monde un appel au Premier ministre et aux Présidents des deux chambres du Parlement. Le texte commence ainsi :

"Notre profession est en danger. Mais c'est plus encore qu'une profession que nous défendons. C'est la liberté, dans notre pays, d'écrire, de publier et, surtout, de photographier. Que devient notre droit à l'image et donc notre droit à l'information ? Soumis jusqu'ici à la versatilité des décisions de justice, il a tout à craindre aujourd'hui d'une disposition de la loi Guigou visant les images d'actualité au prétexte de la protection des victimes. Nous craignons que les victimes soient les Français eux- mêmes, privés d'images vraies et fortes, montrant la condition humaine telle qu'elle est chez nous et dans le monde..."

Christian Caujolle, directeur de l'agence Vu déclare que l'on s'éloigne du réel au point de publier des illustrations de type symbolique qui n'ont plus rien à voir avec les faits, avec des situations physiquement palpables. Certains photographes ont même recours à des personnages fictifs : "C'est plus du cinéma que de la photo de presse, je le reconnais, mais comment faire ?" s'interroge Philippe Roy. Des hebdomadaires délaissent le photojournalisme au profit de photographies réalisées en studio. Cette pratique ne heurte-t-elle pas les principes déontologiques ? Reste-t-on dans un cadre informatif ? Pour les photos qui représentent le réel, on a recours à des artifices pour éviter que les individus soient identifiables tels que des bandeaux noirs sur les yeux, des visages floutés, des gens pris de dos. Le photographe Patrick Bard qualifie ces pratiques d'images floues et pixellisées de "témoignages d'une armée des ombres".

Pour d'autres événements, comme des accidents de la route, des accidents ferroviaires, ou même des catastrophes naturelles, on peut avoir recours à des photos de voitures, de trains et d'autocars endommagés. Ces dernières représentations dominent l'ensemble des illustrations, et sont même parfois également choisies pour illustrer la une. Afin de ne pas perdre totalement le "composant vivant", élément essentiel à la photographie de presse, on aura tendance à utiliser les photographies de sauveteurs, enquêteurs et policiers présents sur les lieux. Ces derniers étant photographiés dans l'exercice de leurs fonctions, ils ne peuvent intenter de procès.

En juillet 2004, Libération a traité durant plusieurs jours, une affaire de faux témoignage d'agression dans le RER D. Les photos illustrant le sujet montraient des rames vides ou presque vides, ce qui est bien peu représentatif du trafic parisien. Une photo représentait un paysage vu par la fenêtre d'une rame. Une autre montrait une personne prête à descendre du train, le visage étant hors-cadre. Ce choix de ne plus prendre de risque de conflit judiciaire est passablement en train d’ajouter sa pierre à l’édifice que forme la fin du photojournalisme tel qu’on l’a connu et aimé.

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CONCLUSION


La photo a parfois un impact bien plus grand que ce qu’elle laisse présager. Ne serait-ce que parce qu’elle fait réfléchir les foules sur la question du bien et du mal.

A-t-on cependant le droit de tout photographier ? Peux-t-on tout publier ? Il est important de prendre en compte le bien et le mal qui découle de nos actions. Une photographie peut partir d’une intention noble et faire pire que mieux, tout comme à l’inverse, elle peut montrer l’inmontrable, l’indicible et bouleverser toute une partie du monde, soulever les foules au point de le faire changer. Elle peut changer la vie des protagonistes mais pas seulement.

Encore faut-il que le photojournalisme survive à ses problématiques, non plus nouvelles mais toujours de plus en plus contraignantes. La photographie est devenue, avec l’avènement des smartphones et d’Internet, plus facile d’accès par plusieurs aspects. N’importe qui peut s’improviser photojournaliste pour le peu qu’il se situe au bon endroit au bon moment avec son téléphone, et lui il est également possible de diffuser son œuvre au monde entier instantanément. Les règles ont changé dans le sens où le métier n’est plus élitiste. Les problématiques ont changé, et le métier de photojournaliste est en pleine évolution. Aujourd’hui, on ne compte plus sur les réseaux sociaux le nombre de journaux qui contactent les particuliers afin de savoir si ils ont pris eux-mêmes telle ou telle photo postée d’un événement afin de les utiliser pour illustrer leurs articles.

Le métier de photojournaliste n’en reste pas moins un vrai métier à part entière, avec de vraies choses à dire, à démontrer, avec de vraies idées à défendre et aujourd’hui c’est le métier en lui-même qui a besoin d’être défendu. C’est un art plein de richesses insoupçonnées à condition d’avoir un esprit critique et de savoir prendre et lire les clichés, afin de ne pas se laisser influencer par la surface des faits uniquement, par le paraître. Le monde a besoin de penseurs, de personnes qui réfléchissent et qui souhaitent se battre, creuser des sujets pour découvrir ce que l’on nous cache, le monde a besoin de professionnels pour témoigner du pire et pour en tirer le meilleur.

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SOURCES


1. LES BUTS, LES MOYENS

1.1 Quand une campagne photographique cherche à avoir de l'impact


http://www.pubenstock.com/2012/benetton-les-annees-toscani/

https://fr.wikipedia.org/wiki/Oliviero_Toscani

http://www.journaldesfemmes.com/mode/0612-benetton/1.shtml

http://www.lesartsdecoratifs.fr/francais/musees/musee-des-arts- decoratifs/collections/dossiers-thematiques/publicite-et-graphisme/marques-et- personnages/benetton/histoire-de-la-publicite-1884

http://www.boumbang.com/oliviero-toscani-et-tibor-kalman/

https://www.ionisbrandculture.com/benetton-10

http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20111118.OBS4801/le-photographe-toscani- juge-pathetique-et-vulgaire-la-campagne-benetton.html

http://www.persee.fr/doc/colan_0336-1500_1992_num_94_1_2392

http://planpubregulier.fr/2014/05/22/benetton-by-toscani/

http://marieclaudeducas.com/2011/benetton-publicite-et-controverse-pourquoi-le- precurseur-d%E2%80%99hier-ne-convainc-plus/

http://benetton.over-blog.com/

http://www.lapresse.ca/international/europe/201111/18/01-4469190-unhate-de- benetton-toscani-fustige-ses-propres-photos.php


1.2 Quand la photographie choque pour mieux guider l’esprit


https://blogs.mediapart.fr/saoudi-abdelaziz/blog/230813/comment-fabrique-des-massacres-mediatiques

http://phototheoria.ch/up/photographier_reel_3.pdf

http://www.lecourrier.ch/timisoara_un_emballement_mediatique


1.3 Quand la photographie pose la question du voyeurisme mais impacte la société


http://www.lexpress.fr/actualite/monde/europe/la-photographe-temoigne-lorsque-j-ai-vu-le-corps-d-aylan-j-etais-petrifiee_1712267.html

http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20150903.OBS5247/je-suis-restee-petrifiee-la-photographe-qui-a-pris-le-cliche-d-aylan-raconte.html

http://arretsurinfo.ch/la-photo-daylan-kurdi-et-son-impact-sur-le-debat-public/

http://www.lemonde.fr/europe/article/2015/09/04/la-tragedie-de-la-famille-kurdiurdi_4745832_3214.html

http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2015/09/10/mort-d-aylan-mensonges-manipulation-et-verite_4751442_4355770.html

http://makingof.blog.lemonde.fr/2015/09/06/pourquoi-nous-avons-publie-la-photo-du-petit-aylan/

http://rue89.nouvelobs.com/blog/vu-de-visa/2015/09/03/la-photo-de-lenfant-mort-les-professionnels-de-la-photo-reagissent-234917


2. LES ROLES, LES IMPACTS

2.1 Quand la photographie questionne le rôle du photographe


http://culturevisuelle.org/catastrophes/2010/09/04/figures-des-catastrophes-omaira-sanchez

http://tempsreel.nouvelobs.com/photo/20150728.OBS3296/le-calvaire-d-omayra-sanchez-morte-sous-les-yeux-du-monde-entier.html

http://www.franceinter.fr/blog-autopsie-dune-photo-la-colombienne-omayra-sanchez-par-frank-fournier


2.2 Quand la photographie change la vie de la personne photographiée


http://clioweb.free.fr/blois/cojean.pdfhttps://peaceworkstravel.com/category/kim-phuc-vietnam-war-survivor

http://zigzags.blogs.lindependant.com/la-petite-fille-au-napalm-a-40-ans-decryptage-d-une-image-qu.html

http://espacehgfauthoux.e-monsite.com/medias/files/kim-phuc-la-fille-de-la-photo.pdf

http://phototrend.fr/2015/08/le-dessous-des-images-la-petite-fille-brulee-au-napalm/


2.3 Quand la photographie change la vie du photographe


http://phototrend.fr/2015/11/le-dessous-des-images-la-fillette-et-le-vautour/

http://www.humanite.fr/kevin-carter-la-fillette-et-le-vautour-548357

http://www.lemonde.fr/culture/article/2013/07/26/une-si-pesante-image_3454254_3246.html

http://www.altermonde-sans-frontiere.com/spip.php?article29323

http://avauxphotos.forumprod.com/polemique-autour-d-une-photo-t123.html


3. LES INTERPRETATIONS

3.1 Quand l’histoire racontée par la photographie n'est pas ce qu'elle semble être


https://fr.wikipedia.org/wiki/V-J_Day_in_Times_Square

http://www.slate.fr/lien/62821/photo-celebre-times-square-marin-embrasse-infirmiere-agression-sexuelle

http://www.lemonde.fr/culture/article/2013/07/23/un-baiser-peut-en-cacher-un-autre_3452417_3246.html

http://rue89.nouvelobs.com/2014/09/26/a-caen-sculpture-baiser-times-square-ravive-vieux-malaise-255091

http://cratesandribbons.com/2012/09/30/the-kissing-sailor-or-the-selective-blindness-of-rape-culture-vj-day-times-square/

https://www.facebook.com/OsezLeFeminisme14/photos/a.134605546746020.1073741828.129585867247988/309890339217539/?type=1&theater

http://failuremag.com/feature/article/saigon_execution/

http://www.lepoint.fr/c-est-arrive-aujourd-hui/1er-fevrier-1968-le-colonel-nguyen-tire-de-sang-froid-une-balle-dans-la-tete-d-un-viet-cong-video-01-02-2013-1622529_494.php

https://etudesphotographiques.revues.org/1192

http://docpatrimoine.agroparistech.fr/IMG/pdf/Musee/Expositions_telechargeables/ImagesMentent.pdf


3.2 Quand le message initial de la photographie est détourné


https://fr.wikipedia.org/wiki/Attentats_du_13_novembre_2015_en_France

http://www.rtl.fr/actu/societe-faits-divers/attentats-de-paris-une-photo-decrit-l-emotion-de-deux-policiers-48-heures-apres-les-attentats-7780530794

http://www.huffingtonpost.fr/2015/11/16/photo-policiers-attentats-paris_n_8573590.html

http://www.atlantico.fr/pepites/etat-islamique-utilise-photo-enfant-syrien-decede-pour-faire-propagande-2324888.html


3.3 Quand la photographie fait corps avec la volonté et le message du protagoniste


http://www.ap.org/explore/the-burning-monk/https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%ADch_Quảng_Đức

http://rarehistoricalphotos.com/the-burning-monk-1963/

http://time.com/3791176/malcolm-browne-the-story-behind-the-burning-monk/


4. LA QUESTION DU DROIT A L’IMAGE


http://www.persee.fr/doc/colan_0336-1500_2005_num_144_1_3342

https://blogs.mediapart.fr/michel-puech/blog/260713/le-photojournaliste-yan-morvan-condamne-au-nom-du-droit-l-image

http://www.bnf.fr/documents/dp_controverses.pdf

http://deslivresetdesphotos.blog.lemonde.fr/2009/03/31/controverses-une-histoire-juridique-et-ethique-de-la-photographie/

http://sds.revues.org/1959


CONCLUSION


http://www.cipadh.org/fr/une-photographie-pour-changer-le-monde

https://etudesphotographiques.revues.org/3123

http://www.lejournalinternational.fr/Dysturb-Le-photojournalisme-se-reinvente_a2295.html

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ANNEXES


Article 9 du Code Civil.

Créé par Loi 1803-03-08 promulguée le 18 mars 1803
Modifié par Loi 1927-08-10 art. 13
Modifié par Loi n°70-643 du 17 juillet 1970 - art. 22 JORF 19 juillet 1970 Modifié par Loi n°94-653 du 29 juillet 1994 - art. 1 JORF 30 juillet 1994 

Chacun a droit au respect de sa vie privée.

Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s'il y a urgence, être ordonnées en référé.


Article 10 de la Convention Européenne De la Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales.

Liberté d’expression

1.Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n’empêche pas les Etats de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations.

2. L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire.

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